samedi 15 août 2009

Journée à la mer et à la montagne…

Si je me résumais aux codes des routes, cette entrée de blog serait courte : E6 + E8 vers Kilpisjarvi.

Et pourtant, quelle richesse de paysages et quelle belle journée…

Le premier tronçon de cette journée de 333 km (pas fait exprès !) suit les fjords lapons : Altafjord (maître fjord un peu en forme de botte nord –sud), Langfjord (corridor resserré est-ouest), le complexe système du Kvaenanger pour finir par le Kafjord et le Skifjord. La route les suit au plus près, à flanc de montagne et au ras de l'au ou prenant de la hauteur pour sauter de l'un à l'autre. Sans doute qui a vu un fjord les a tous vus.

C'est oublier la couleur de l'eau qui sait passer en un rayon de soleil ou un angle de vue du bleu vahiné au noir de jais, mais toujours cristalline. Sauf sous les nuages, et il y en a, le vent est inexistant, offrant à l'œil des miroirs parfaits.

C'est oublier les proportions de l'au et de la montagne, formant un contraste à chaque fois nouveau.

C'est oublier l'orientation, qui offre une nouvelle palette de couleurs à chaque découverte

C'est oublier l'arrivée sur le fjord, en douceur par le fond, par surprise au détour de son embouchure, en force quand la route joue à saute mouton.

C'est oublier les îles qui dans cette région où les épousailles de la roche et de la mer sont si intimes et chaotiques.

Il faudrait décrire ces ambiances toujours différentes qui font que tu retrouves toujours un fjord et toujours un inconnu. Les photos le montreront mieux que tout discours.

Il y a quand même quelques constantes :

  • Les murailles verticales et sombres
  • Les arbres accrochés impossiblement, bouleaux et pins
  • Les maisons, le plus souvent groupées en hameaux multicolores (le blanc, l'ocre, le rouge et parfois le bleu), taches éclatantes dès que le soleil les honore
  • Les chapelles, petites et blanches, toujours sur le même format d'une unique nef prolongée d'un clocher dans l'axe et dont la moitié de la longueur appartient à la nef.
  • Les écoles et leurs terrains de jeux pour les petits
  • Les hangars et les échafaudages en longs tréteaux pour le séchage du poisson, les petits bateaux de pêche par deux ou par trois veillant sur eux.
  • Les moutons au ventre plein et au regard vide, qui déambulent en particulier sur la route
  • Les rennes majestueux mais guère plus futés quand ils sont sur la route.
  • L'eau, identique et différente

Pour le conducteur, c'est assez simple d'autant qu'ici sur l'E6 la largeur de la route est confortable :

  • Ou la montagne est à droite et la mer à gauche, ou l'inverse : il est bien sur la route dans un fjord.
  • Ou la montagne est à droite et à gauche, et il prend son élan pour accueillir un nouveau fjord. En général, la facétie, c'est l'enchainement : bosse (on ne voit rien au dela), suivi d'un virage que l'on a pas vu, et oh, la mer !
  • La mer à droite et à gauche : là, il y a un bug… ramer… ou alors peut-être, un pont ?

Les sauts entre fjords offrent des perspectives d'autant plus impressionnantes qu'elles se combinent avec des nuages bas. Ainsi ai-je déjeuné (pantagruéliquement) de saumon semi fumé et passé au four et de légumes vapeurs (servis avec de la crème aigre) et d'un gâteau au sucre et aux amandes – cela c'est pour le ventre – à Gildetun. Au menu : nuages rasants, iles, montagne, neige, eau noire et turquoise. Une indigestion de beauté.

Un clin d'œil avec l'école d'Oksfjord, moins prestigieuse que son homophone anglaise, mais avec une vue à détourner un cancre du tableau.

Les sauts entre fjords, toujours. Ce sont de véritables transitions, quand on remarque que la limite de la forêt est vers 380 mètres : ce saut de puce traverse un no man's land désolé, landes arasées où l'or des herbes et des mousses sertit les plus précieux des joyaux, des rocs agglomérés porteurs de lichens.

Cette riche diversité de rudesses et de pauvretés est démultipliée aujourd'hui par une météo un peu folle : les nuages si bas s'accrochent aux murailles des fjords mais parfois le soleil s'immisce et embrase ce paysage. Un instant plus tard, la pluie noie tout, et on recommence.

Après le Lyngenfjord et Skibotn (le fond du fjord Ski), cap au sud-est pour emprunter une vallée échancrée riche d'une succession de cascades et qui abrite depuis une trentaine d'année une route superbe à tous points de vue, la route des Lumières du Nord, co-construite par les 3 voisins. Cette E8 grimpe à un plateau désolé, pelé, désert… si beau qu'un grand lac, le Kilpisjarvi est venu s'y sertir tel un diamant.

Il y a deux zones de vie à proximité, et les doubles portes et doubles fenètres, les bornes électriques pour réchauffer les voitures, tout dit l'effort de vivre ici… devant ma fenêtre, minéral témoignage de ce combat et de cette adaptation, ma montagne s'est arrondie et monte en pente douce à l'ouest, face aux vents humides qui on traversé l'Atlantique, et tombe droite, fracturée, déchiquetée, à l'est.

C'est aussi le dernier jour où mon périple était planifié de Paris. Reste 3000 km de retour, sans doute via la Suède.

Allez jeter un œil sur les photos, pour rêver…

Un rêve de voyage c'est déjà un voyage.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire