mercredi 12 août 2009

Hossa – Pyhatunturi : l’Autre Alliance


J'ai quitté Hossan Lomakeskus ce matin sous un ciel gris et un petit 17°C par la route du nord, la 843.

Pas de détours étranges au programme, juste une liaison vers les rivages du nord que je ne peux atteindre d'une traite. En préparant ce voyage, j'avais repéré un hôtel au pied d'un domaine skiable dans des paysages lapons. En route donc.

Pas de grands commentaires sur la route prévue, très belle à tous points de vue. Je me retrouve quand même derrière un convoi exceptionnel, que je finis par dépasser. Un morceau d'usine passait par là…

Je dois juste interrompre une fois le guidage du GPS de la voiture, qui décidément ne supporte pas de me faire passer par des pistes, même quand comme ici, et c'est plutôt comique, elles sont la continuation de la route principale. En contrepartie, il dispose d'un mode « topographique » où il montre la position de la voiture sur une carte où figurent le moindre bout de chemin, les lacs et les points d'intérêt. C'est remarquablement agréable et utile pour naviguer !

A droite sur la 5, cap grand nord. Un peu après midi je franchis le cercle polaire, ce que je fête dans le même restau que l'an dernier, à nouveau d'un beignet (500g pièce !) et d'un café. Ce sera mon déjeuner.

Une brève escale à Kemijarvi me permet de refaire le plein de ma monture (dont l'appétit décroit de jour en jour, que 6,4 l/100km pour ce 4*4 à boite auto) et de mon portefeuille. La ville est sans le moindre cachet, mais utile et les gens ont la gentillesse des pays rudes.

Le changement de paysage est à la fois évident et insensible, indescriptible. Je vais quand même essayer de restituer ce que j'en ressens.

Autour d'Hossa l'étreinte de l'eau et de la terre s'exprime par la juxtaposition de douces collines (enfin, douces quand on ne monte pas…) couvertes d'arbres souvent majestueux et de lacs de toute taille qui à leur tour hébergent des îles où les arbres ont pris de belles extensions. Progressivement, les arbres ont perdu de la hauteur, mais surtout la douce alliance des éléments s'est faite plus brutale. Le lac de Kemijarvi est immense, et nu. Ici, alors que le regard se perd dans un lointain horizon de buttes et de forêts, les quelques lacs sont isolés. Les contraintes qui poussent chaque milieu ici à ses extrêmes ont eu raison de cette imbrication si tendre. Les arbres aussi ont commencé à adapter leur ambition au milieu : leurs cimes en plaine sont de plus en plus basses, elles enhardissent dès qu'un relief lors offre un abri.

Le parc naturel de Pyha-Luosto est défiguré par les pistes de ski alpin sur les flancs du Kultakero. C'est certains, c'est dommage, passons. C'est quelques tâches au milieu d'une grandeur âpre, à couper le souffle. Même si je n'ai eu le temps de les tagger, vous trouverez les photos ici : http://picasaweb.google.com/jean.corbel .

Imaginez un plaine, nous avons quitté les ondulations de la Finlande centrale. Les glaciers on tour raboté, sauf quelques buttes, pas très hautes – on culmine vers 500m. Et pour résister fièrement à la fureur arctique du haut de ses 500 m, il faut se cramponner, on n'est pas n'importe quelle montagne. Arrondie par les éléments, les arbres ont passé la main aux lichens depuis disons la mi pente. Les roches elle-même se sont divisées pour survivre, et ce sont des champs d'éboulis qui confortent d'autres éboulis.

Entre le Kultakero et son voisin le Noitatunturi resté sauvage, une gorge a été aménagée. Oh non, pas de barrage ou d'autre exploitation. Non, pour permettre la découverte de ce milieu fragile, un chemin a été entièrement protégé : cheminement de planches pour éviter de perturber ce havre de vie entre deux géants austères.

Comment exprimer ce que l'on ressent dans ce V étroit où un torrent cristallin serpente entre les éboulis, à l'ombre des pins et des bouleaux, quand les éboulis n'ont pas eu raison d'eux. Il fait gris, et la lumière pénètre difficilement. J'ai passé le reflex en réglage manuel, 400 ISO et plus d'une fois forcé le diaphragme pour préserver de la profondeur de champ, ce qui a du mettre le stabilisateur d'image à l'épreuve. La succession des tronçons, roches, verdure, eau prenante. Ce lieu est un endroit que je ne saurais trop recommander, un de ces lieux rares où s'exprime l'autre Alliance, celle de l'Homme et de la Nature avec respect et admiration.

Le bout du chemin est marqué par une cascade modeste et un petit lac aux eaux noires. Pour celui qui choisit de continuer son chemin en faisant le tour du Kultakero plutôt que de revenir sur ses pas, il se souviendra d'un escalier de bois de quelques 400 marches.

La vue des paliers n'est pas désagréable. D'abord parce qu'on s'arrête un instant de grimper. Et parce que l'on bénéficie d'un point de vue sur la gorge que l'on vient de parcourir…

Le chemin continue au tiers de la montagne ou colline, comme vous voudrez. En tout cas, c'est en dessous de la limite des arbres.

Le chemin est large, c'est une piste de ski de fond toute en douceur.

Le ciel continue de s'assombrir, les premières gouttes tombent. J'ai bien enfilé une polaire, car le fond de la gorge est frais, mais je n'ai rien d'imperméable. L'appareil photo et le GPS sont en péril. Je les abrite de mon corps, accélère et la pluie aussi. Il me reste 2,7 km… Je finis par passer devant une de ces cabanes de montagne, toute de rondins, sans doute destinée à garder quelques réserves. Sont faîte doit culminer à 1,5m, et je me tasse devant la porte à l'abri modeste de l'avancée du toit ; comme la pluie redouble, je retire la simple cheville de bois qui tient la porte fermée, l'ouvre et l'assied à l'intérieur. C'est vide, et c'est sec… je suis loin du reflexe numérique et du GPS, à attendre dans cette hutte immémoriale que la pluie s'apaise. Un quart d'heure passe, l'ondée s'éloigne alors que l'air a fraichi. Je salue l'inventeur de la polaire, aussi chaude humide que sèche, et mon bon génie qui m'a dit de l'emporter. L'appareil est sec. On est reparti. Un gros km, et des gouttes refont leur apparition, alors que je viens de passer une hutte ultra moderne, ouverte bien sur, avec des bancs et une cheminée centrale / barbecue. Je décide de pousser au bout, et je termine au pas de course, trempé mais les appareils à peu près secs. Ils sont sains et saufs.

Je retire mes affaires dirons nous humides et les suspends dans le séchoir de la salle de bain. Il y a en effet deux cabines dans la salle d'eau de ce Best Western Pyhatunturi, et c'est simplement génial : dans l'une, un radiateur petit mais costaud et des porte-serviettes pivotant sur 3 hauteurs. Dans l'autre, une douche. C'est symétrique, la cabine à mouiller et la cabine à sécher. Et cela marche, il est 23h quand j'écris ceci et du gilet multi-poche de coton au pantalon en passant part tout le reste, eh bien tout est sec.

Il n'y a pas grand monde, donc sauna (très beau, intérieur en forme de hutte – il y a aussi une bain à remous tentant, mais il est mixte et je suis descendu sans rien) suivi d'un diner de saumon et de bière sans foule (mais avec un service plutôt long – déjà pour s'apercevoir de ma présence, disons 15 à 20 minutes, puis ne pas trouver la carte en anglais (re-15 minutes…))! Le saumon grillé et sa sauce (sorte de beurre blanc nantais) sont fameux, ils sont décorés de cressons proprement inouï, tendre, délicat, la force du cresson et la douceur de l'alfalfa… les pommes de terres écrasées, les carottes et un légume non identifié servi tel des nouilles plates forment une délicieuse harmonie à la conclusion cette riche journée.

Cela me laisse le temps d'observer une terrible bataille. L'avant-garde de l'eau se glisse en une langue de brume qui s'approchant de la droite coupe la colline des arbres qui la défendent de loin. Enhardis par ce succès une seconde langue de brume apparait insidieusement et en volutes bourgeonnantes déploie une seconde offensive victorieuse. Les deux détachements se rejoignent, tandis qu'une troisième ligne s'avance selon le même procédé. Et je crois bien que désormais les griffes de la brume grattent aux carreaux.

Il fait totalement noir là où un crépuscule permettait de se déplacer aisément hier.

Les loups et les ours peuvent entrer en scène…

Bonsoir !

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